" Lorsque l’Histoire tente de se répéter, elle bégaye et risque de faire sourire. En 1983 et 1984, les marches des « Beurs » pour l’égalité et contre le racisme étaient lancées. Ce mouvement récupéré par l’Élysée à travers SOS Racisme, l’appendice du PS, avait trouvé son terreau dans les banlieues. Il constituait la riposte habile d’un pouvoir, affaibli par son échec économique, à la victoire de l’opposition aux municipales, notamment à Dreux, où le RPR et le FN avaient fait cause commune au second tour.
Le motif invoqué reposait sur des actes soupçonnés de racisme et sur de supposées violences policières. La victimisation est le ressort habituel de ces mobilisations qui, par ce moyen, parviennent à ratisser large : des militants politiques aux chrétiens compatissants en passant par les fondamentalistes, le tout parsemé de quelques vedettes du show-biz. La victime désigne le coupable que l’on va rendre infréquentable : le FN, et son complice de l’époque, le RPR. Celui-ci devra se racheter en dénonçant l’auteur principal.
Jacques Chirac, d’abord tolérant envers les alliances à droite, oscillera ensuite entre la condamnation du racisme et la compréhension. L’allié sans importance de Dreux était devenu un concurrent redoutable qu’il fallait éliminer en le stigmatisant certes, mais en tentant aussi de reprendre sa part de marché. Le bruit et l’odeur préludaient au pain au chocolat d’une « droite » ne sachant jamais sur quel pied danser avec l’immigration. Un Maghrébin jeté d’un train justifiait les manifestations. Le rôle des immigrés dans la délinquance et les émeutes dans certains quartiers suscitaient aux yeux de nombreux Français le discours hostile à la politique migratoire.
Or, depuis trente ans, le monstre tant recherché demeure introuvable et ses rares apparitions n’ont aucun rapport avec un Front national que les faits eux-mêmes dédiabolisent. On a cherché l’extrême droite derrière les attentats antisémites de la rue Copernic, de la rue Marbœuf et de celle des Rosiers : on y a trouvé des Palestiniens d’extrême gauche. On a ciblé le racisme anti-arabe au début de l’affaire Merah pour découvrir, avec retard, un islamiste fanatique plein de haine contre la France et les juifs.
L’agression contre Libé ne laissait pas de doute : commise par un homme de « type européen », comme l’a affirmé à plusieurs reprises le procureur, elle ne pouvait venir que de l’extrême droite. Vraiment pas de chance : il s’appelle Abdelhakim Dekhar et était le complice du couple d’extrême gauche (ça existe !) Rey-Maupin en 1994. Pas de Breivik français ! Déçu, Libé lui a trouvé un « profil étrange ».
Ajoutez à cela l’affaire de Carpentras imputée à des néonazis sans le moindre rapport avec le FN et la mort, tragique et stupide, de Méric, un peu provocateur et d’extrême gauche, tué par un extrémiste de droite (enfin !), mais dans des circonstances où les torts semblent, au moins, partagés. Si l’on se réfère encore à la fuite vers le Brésil en 2007, tolérée sinon aidée, de Battisti, un terroriste d’extrême gauche condamné en Italie pour quatre meurtres, on se prend à penser que l’extrême droite est quand même moins active dans notre pays que l’extrémisme musulman, et que l’extrême gauche y jouit de préjugés favorables dont ne bénéficie pas son opposé de droite.
Reste l’ombre du racisme qui a étendu ses sombres ailes sur la ministre de la Justice. Est-ce que les plaisanteries débiles et de mauvais goût de quelques-uns prouvent le regain du racisme en France ? Les Français ont d’autres chats à fouetter : leur pouvoir d’achat en chute libre, la fiscalité étouffante, le chômage qui ne diminue pas, sauf dans les statistiques, la délinquance dans laquelle il est interdit de trouver le moindre lien avec l’immigration, même après avoir lu Hugues Lagrange… Tiens, il semblerait que le braqueur de Sézanne ne soit pas de type européen… "
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