" L'obsession du racisme est une pelote sans fin, dont il importe de démêler les fils. Que certains en soient encore à prendre les Noirs pour des singes ou les harkis pour des sous-hommes, voilà qui prouve seulement qu'il y a chez nous une frange d'illuminés à laquelle il faudrait donner le moins de publicité possible. On constate en outre que nos politiciens de moindre envergure traitent en permanence leurs adversaires de racistes dans l'espoir de les déstabiliser, et que l'instrumentalisation du racisme - comme celle de l'antiracisme - est devenue un élément majeur du délitement de la société française. Enfin, le fait qu'un racisme anti-blanc se soit développé depuis des décennies dans nos banlieues a déjà été établi depuis des décennies par de nombreux auteurs, que ce soit le regretté Christian Jelen, le talentueux Pascal Bruckner dans son Sanglot de l'homme blanc, le président de la commission juridique de la Licra Mario Stasi qui avouait récemment : "Je n'aime pas ce terme de racisme anti-blanc, mais je n'en vois pas d'autre", ou même la très socialiste Najat Vallaud-Belkacem, qui évoquait dans un livre d'avant-élections ce "racisme anti-blanc dont chacun peut convenir sans mal ni complaisance qu'il existe et qu'il est aussi condamnable et stupide que l'autre". C'est devenu embarrassant, parce que son parti - comme tous les autres - se perd en contorsions sur le sujet, mais enfin... Verba volant, scripta manent : les paroles s'envolent, les écrits restent.
Passons aux fondamentaux : le racisme, dans sa définition originelle, est la conviction que certaines races sont supérieures à d'autres. Nous pouvons lire sous la plume de Victor Hugo en 1879 : "Que serait l'Afrique sans les Blancs ?" ; dans un discours de Jules Ferry en 1885 : "Les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures" ; et plus embarrassant encore, ces propos du grand socialiste Léon Blum le 9 juillet 1925 : "Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture." Puisqu'il est trop tard pour assigner ces grands hommes en justice, contentons-nous de constater qu'ils étaient de purs produits des préjugés de leur époque. Un siècle plus tard, Hitler a criminalisé le racisme, tandis que son ancien complice Staline déclarait fièrement : "Pas de racisme chez nous : on élimine sans discrimination !" Au début du XXIe siècle, enfin, l'étude du génome humain a conduit à cette conclusion difficilement contestable que les races n'existent pas : la couleur de peau chez l'homme est déterminée par trois gènes sur les 36 000 du génome, et l'ADN d'un Italien est marginalement plus proche de celui d'un Arabe que de celui d'un Finlandais...
Nos associations antiracistes doivent trouver leurs racistes en France pour exister
Mais la race une fois évacuée, il reste le racisme. Celui des Japonais contre les Coréens ? Des Vietnamiens contre les Chinois ? Des Chinois contre les Ouïgours ? Des Arabes contre les Juifs ? Des chiites contre les sunnites ? Des Turcs contre les Arméniens ? Des Hutu contre les Tutsi ? Des Gabonais contre les métis ? Des Suédois qui méprisent les Lapons ? Des Hongrois qui chassent les Roms ? Des Russes qui malmènent les Caucasiens ? Des politiciens congolais qui se traitent de cannibales ? Niet ! Rien de tout cela n'intéresse nos associations antiracistes hautement politisées - le Mrap communiste, SOS Racisme socialiste, le Dal trotskiste -, qui doivent en permanence trouver leurs racistes en France afin de continuer à exister, à recevoir leurs subventions et à suivre la ligne de leurs partis respectifs. C'est dire que l'antiracisme agressif est devenu chez nous un pur instrument politique : la lutte des classes transposée sur le plan racial...
Il n'est pourtant pas facile de vendre une marchandise aussi frelatée dans un des pays les moins racistes du monde. Que la France des années soixante ait été xénophobe, c'est indéniable : les Français de l'étranger eux-mêmes étaient regardés de travers, et nos autorités avaient dû émettre un timbre-poste pour inciter les Français à sourire aux touristes ! (Pour nos amis philatélistes : le 60 centimes de 1965 : "Campagne de l'accueil et de l'amabilité"). Mais après cela, la France s'est ouverte, le brassage s'est fait, et la France a eu le taux le plus élevé de mariages mixtes en Europe - ce qui n'est pas exactement la marque d'un peuple raciste. Il a donc bien fallu un autre phénomène pour que les choses se dégradent.
Travelling arrière : la France prospère des années soixante ayant eu besoin de main-d'oeuvre, elle avait attiré une nouvelle immigration de travail en provenance d'Afrique du Nord. Dans l'esprit de tous, à commencer par celui des travailleurs immigrés, il s'agissait d'un séjour temporaire : après quelques années, ils iraient rejoindre leur famille au pays, nantis d'une formation et d'un pécule suffisants pour leur permettre de se réinsérer harmonieusement dans leur société d'origine. On sait ce qu'il en est advenu : leur séjour s'est pérennisé, l'immigration de travail est devenue une immigration de peuplement, et elle s'est massifiée après 1976 par le biais du regroupement familial - "une mesure de générosité raisonnable qui s'est transformée en filière d'immigration", reconnaîtra en 2004 Valéry Giscard d'Estaing ; enfin, elle s'est diversifiée pour inclure des ressortissants de nombreux pays d'Afrique noire, du Moyen-Orient et d'Asie du Sud-Est. La crise économique consécutive aux deux chocs pétroliers, tout comme l'automatisation croissante de l'industrie française, a mis beaucoup de travailleurs immigrés au chômage, et ils sont restés désoeuvrés dans une société qui leur était essentiellement étrangère du fait de ses moeurs, de sa culture et de sa langue.
Une petite rivière fertilise, un flot dévaste
On pouvait penser que leurs enfants, généralement nés en France, s'y intégreraient tout comme l'avaient fait avant eux les fils d'immigrés italiens, portugais, espagnols ou polonais. Pour un certain nombre de raisons bien connues - le poids des traditions, de la religion, du passé colonial, des préjugés sociaux et des structures familiales -, il n'en a pas été ainsi. Les conditions de logement n'étaient certes pas optimales, mais ces habitations HLM claires, spacieuses, avec tout le confort moderne, représentaient un progrès considérable, non seulement pour des immigrés venus du bled algérien ou des bidonvilles de Nanterre, mais encore pour bien des Français vivant encore dans des appartements sombres, vétustes et exigus, sans chauffage ni salle de bains, avec toilettes communes sur le palier. Bien sûr, ces HLM ayant été construites massivement et dans l'urgence, les équipements collectifs n'ont pas toujours suivi... Mais de là à en faire des succursales du goulag ou du ghetto de Varsovie, il y a tout de même une marge respectable. Évidemment, ces logements n'avaient pas été conçus pour accueillir des familles de quinze ou vingt personnes, généralement d'origine rurale, parfois polygames, et qui voulaient y vivre un peu comme au pays, avec enfants s'ébattant au dehors - où ils n'étaient plus surveillés par l'ensemble de la communauté, comme dans les villages du Maghreb ou d'Afrique noire. C'était le début de l'engrenage : les services sociaux ont été débordés par l'arrivée massive, année après année, d'immigrés réguliers et irréguliers. Y avait-il un seuil de tolérance, comme l'affirmaient Mitterrand et le roi Hassan II ? En tout cas, il y avait un seuil d'absorption : une petite rivière fertilise, un flot dévaste...
Il faut se souvenir que la France n'étant pas l'URSS, il n'y avait ni affectation autoritaire à résidence ni passeports intérieurs. En d'autres termes, les immigrés avaient toute liberté d'installation et de réinstallation, même s'ils avaient tendance à se regrouper par nationalités et dans les quartiers où le logement était le plus accessible. C'est un phénomène commun à l'immigration dans tous les pays : ceux qui croient que les immigrants allemands, hongrois ou irlandais qui arrivaient aux États-Unis s'installaient d'emblée sur la Cinquième Avenue se font autant d'illusions que ceux qui s'imaginent qu'ils bénéficiaient d'allocations familiales, de RMI et d'aides au logement. Ils n'en réussissaient pas moins à s'intégrer et à prospérer dans leur nouvelle patrie. Mais en France, même le terme de patrie ne pouvait plus être prononcé à partir des années soixante-dix, ce qui faisait évidemment partie du problème ; car dès lors, les enfants et les petits-enfants français de travailleurs étrangers se sentaient encore moins français que leurs parents et leurs grands-parents. Quoi d'étonnant à cela ? Ils se retrouvaient en masse dans un pays où les intellectuels médiatiques crachaient à longueur de journée sur la France, son histoire et ses institutions ; où les militants syndicaux et autres protestataires cassaient, brûlaient et séquestraient en toute impunité ; où la télévision montrait chaque jour des centaines de meurtres, de vols et d'escroqueries ; où les chaînes satellitaires arabes exportaient toute la violence des affrontements du Moyen-Orient ; où des groupes de rappeurs lançaient en continu des cris de haine et des appels au meurtre contre les Blancs "faces de craie", les institutions et les forces de l'ordre ; où des bandes de quartier cultivaient très ouvertement la débrouille et la dépouille - tout cela sur fond d'écoles débordées, de chômage endémique et d'assistanat dévalorisant... Slimane Zeghidour, un Français d'origine algérienne, se demandait dès 1988 où les jeunes gens pourraient puiser quelque fierté d'être français dans une telle ambiance. Zaïr Kedadouche les décrivait comme "des bouffeurs de mode, des consommateurs dépendant largement de la générosité publique". Évoluant dans un environnement permissif et revendicatif, ces jeunes, très souvent sans père, refusaient l'instruction ou la formation professionnelle et "tenaient les murs". Ensuite, comme le disait un "jeune" dans son langage imagé : "On se fait iech et on commence à faire des conneries."
"Les Algériens n'ont pas encore trouvé d'autre moyen d'exister que de nous haïr"
Pas tous, bien sûr : les plus lucides et les mieux entourés changeaient rapidement de quartier et s'intégraient par le travail : il y a eu d'admirables succès. Mais pour les autres, le profil type ressemble à cela : le "jeune" de banlieue méprise - voire maltraite - ses professeurs et reste inculte ; il est alors difficilement employable, et donc chômeur ; en tant que tel, il proteste contre la société "raciste" en rejoignant la bande du quartier, en pillant les magasins et en agressant les commerçants et leurs clients. Ceux-ci quittent le quartier, qui devient un ghetto où la violence et la criminalité prospèrent ; le délinquant finit donc par rencontrer la prison, d'où il sort rapidement avec un casier judiciaire et un désir de vengeance ; étant de moins en moins employable, il doit passer à la criminalité dure, fondée sur des trafics en tous genres ; dans l'exercice de cette fonction, et à condition qu'il ne soit pas liquidé par un rival - le monde des malfrats n'est pas tendre -, il risque d'être blessé ou tué lors d'une tentative d'arrestation, déclenchant dans le quartier d'immenses émeutes organisées, avec pillages, agressions et incendies. Dès lors, on prend l'ensemble des habitants du quartier pour des délinquants, et le vide se fait progressivement autour d'eux. Comme disait un beur très diplômé après trois nuits de dévastations dans son quartier : "C'est à cause de petits c... pareils que personne ne veut m'employer !" N'ayant toujours pas compris ce processus, les "jeunes" s'installent dans la complainte victimaire en dénonçant le racisme, le fascisme, le colonialisme, la répression policière, la "force injuste des lois", et s'en prennent violemment à tous les symboles de l'autorité encore à leur portée, ce qui renforce encore la ghettoïsation, avec son cortège de provocations haineuses....
Le général de Gaulle disait en 1966 : "Les Algériens n'ont pas encore trouvé d'autre moyen d'exister que de nous haïr." Hélas ! Leurs petits-enfants non plus... Bien sûr, pour des descendants d'indépendantistes, il est humiliant de se retrouver chez l'ancien colonisateur et d'en recevoir la nationalité - d'où la haine et les cris de "sales Français", alors qu'ils sont français, et les injures antisémites, alors qu'ils sont sémites.... Bien sûr, il y a eu aussi les Africains subsahariens, dont le même de Gaulle disait à Peyrefitte en 1962 : "Le malheur, c'est que les Africains ne s'aiment pas entre eux. Les intellectuels abandonneront leur peuple, et leur peuple sera rejeté au fond du puits. C'est encore une chance si, ensuite, ils ne quittent pas leur pays pour venir s'installer en France. Mais là, au moins, nous pourrons dire non." Ses successeurs, eux, n'ont pas pu dire non...
De fait, l'immigration s'est poursuivie, massifiée, internationalisée, ouverte au fanatisme religieux et concentrée dans quelques régions, où les nouveaux venus sont devenus majoritaires et les Français de souche minoritaires - avec les conséquences décrites par l'universitaire tunisien Philippe Aziz : "Dans ces quartiers où prédominent des populations maghrébines, il n'y a pas de racisme anti-maghrébin. Le seul racisme existant est anti-métropolitain." Quant au chercheur algérien Ahmed Rouadjia, il démontrait dès 2000 dans le mensuel Croissance qu'à Dreux, par exemple, c'étaient bien les Arabes qui rejetaient les Français... et les Arabes qui se rejetaient entre eux !
La solution ne pourrait venir que des immigrés eux-mêmes
Bien sûr, cela n'excuse pas la discrimination à l'emploi, mais allez donc obliger un entrepreneur à embaucher une femme voilée, un Gaulois illettré, un beur antisémite ou un Black ayant la haine ! Écoutez le Bourguignon-Camerounais Gaston Kelman "[Les jeunes Blacks] présentent généralement des caractéristiques qui les rendent peu attractifs aux yeux des patrons. En plus du handicap de formation, ils affichent des mines tellement patibulaires que leur propre père hésiterait à les mettre face à ces machines, dans un bureau ou dans un atelier. Leur style vestimentaire, leur langage, leur comportement sont purement iconoclastes et extrêmement rébarbatifs." Il y a certes des employeurs racistes, comme dans tous les pays, mais il y en a bien d'autres, comme ce patron de PME qui disait : "Si un informaticien capable se présente demain à mon bureau, qu'il soit noir, jaune, vert ou rouge, je l'engage immédiatement - à condition qu'il ne me considère pas comme un sale Blanc exploiteur, qu'il ne traite pas mes secrétaires de prostituées et qu'il ne me menace pas d'une fatwa !" C'est toute la question : que certains Norvégiens de France forment des "gangs de barbares" comme leurs ancêtres vikings, et il y a fort à parier que tous les grands blonds moustachus trouveront rapidement des Français méfiants et des problèmes d'emploi. Racisme ou application instinctive du principe de précaution ? (Les Norvégiens voudront bien accepter mes excuses dans leur langue : "Jeg ber om forlatelse. Det var bare spök !")
Tout compte fait, il semble y avoir dans ce pays une confusion entre le racisme ordinaire et la réaction populaire contre une immigration mal régulée, qui refuse trop souvent de s'adapter à nos lois et à nos modes de vie, qui veut profiter de nos libertés mais conserver ses interdits, qui invoque le multiculturalisme mais refuse la mixité, et qui rejette la France au profit d'une patrie d'origine fantasmée. Inutile de s'indigner du diagnostic : on n'est pas raciste anti-pompiers en dénonçant les pompiers pyromanes. C'est pourquoi, après quarante ans de lâchetés officielles qui n'ont profité qu'au Front national, la solution ne pourrait venir que des immigrés eux-mêmes : s'ils désavouaient bruyamment et publiquement, par la parole et par le geste, les racistes et les fauteurs de troubles qui gangrènent leurs cités, tout commencerait à changer - à condition que les autorités et les associations veuillent bien les soutenir. À New York, il y a très exactement trente ans, un Américain d'origine allemande nommé Bernhard Goetz était agressé dans une rame de métro par quatre jeunes Noirs armés de tournevis aiguisés. Les ayant blessés tous les quatre, Goetz s'est retrouvé devant la justice, où sa défense a été prise en charge par l'association antiraciste CORE (Congress of Racial Equality) - dont le président noir, Roy Innis, devait déclarer : "Le crime m'a pris mes deux fils ; Goetz aurait pu être le troisième. Bien sûr, j'aurais préféré qu'il soit noir, mais ça n'a rien à voir !" Avec trente ans de retard, trouverons-nous en France la même largeur d'esprit ? Ce serait un commencement... "