" D'emblée, le président de l'Union syndicale des magistrats (68,4% du corps), Christophe Régnard, a campé le décor : "L'an passé, vous aviez bénéficié de notre part d'un accueil chaleureux et même, fait rarissime, d'une standing ovation à la fin de votre discours" (cela se passait en présence Manuel Valls)... avant d'ajouter qu'il aurait aimé que la salle lui offre à nouveau des applaudissements nourris... mais qu'il doutait que ce soit le cas. Et, bien sûr, ce ne fut pas le cas.
Pendant une heure, ce vendredi après-midi, le patron de l'USM a lu, à l'occasion du congrès annuel du syndicat, un discours intransigeant, reprenant les critiques qu'il distille régulièrement depuis des mois. Pour lui et ses collègues, la ministre de la Justice Christiane Taubira parle bien, et même très bien, mais n'agit pas ou peu. "Depuis 18 mois, nous sommes déçus. Nous ne nous comprenons pas ou plus, nos rares rencontres ont tourné à l'aigre."
"Avec l'Intérieur mieux qu'avec vous"
Les plus virulentes critiques ont porté sur le dogmatisme des travaux de la conférence de consensus (sur la lutte contre la récidive), sur son échec à faire adopter la réforme du CSM et sur un manque de respect dans le dialogue social. "Nous avons travaillé avec les services du ministère de l'Intérieur, car cela n'a pas été possible de le faire avec les vôtres", a insisté Régnard. Qui ne s'est pas privé de rappeler qu'il a été -bien- reçu à Matignon et à l'Elysée afin de faire corriger le projet de réforme pénale de Christiane Taubira.
"Nous attendions plus de considération et moins de dogmatisme", a conclu, acide, Christophe Régnard. Mais ce sont ses critiques sur le mauvais dialogue social qui semblent avoir le plus touché la ministre, lorsque que le syndicaliste l'a interpellé : "J'attendais autre chose d'une femme de gauche !"
Régnard le méchant, Taubira la victime ?
La réplique de Christiane Taubira a été étonnamment calme. La garde des Sceaux a sans doute voulu jouer du contraste... souhaitant faire apparaître le magistrat Régnard comme le méchant procureur et elle comme sa victime. L'immense vague de soutien antiraciste dont elle bénéficie lui a peut-être rendu la tache plus facile. "Vous avez passé en revue mon action de manière subjective et partiale", a-t-elle lancé pour exprimer l'injustice qu'elle ressentait.
A de rares exceptions, le long discours de la ministre de la Justice -80 minutes sans lire aucune notes - fut beaucoup beaucoup moins lyrique et enflammé que celui d'octobre 2012, alors qu'elle venait de s'installer Place Vendôme. Moins de sentiments, moins d'empathie (sur le "mystère" et la "magie" du métier de magistrat), moins de couleurs (elle a troqué son ensemble jaune vif pour un coloris sombre) et de citations d'auteurs, elle qui les affectionne tant !
"Ceux qui croient que je vais à la plage..."
Christiane Taubira s'est attachée à démontrer qu'elle agit au quotidien, même si ses réformes n'ont pas encore franchi l'embouteillage parlementaire. "Je m'excuse auprès de ceux qui croient que je ne travaille pas, que je passe mon temps à la plage", s'est-elle risquée, sans provoquer le moindre rire. Pendant près d'une heure et demie, elle a prouvé qu'elle connaissait parfaitement ses dossiers... mais sans forcément convaincre.
Chaque partenaire s'est promis de dialoguer sérieusement, sans ignorer qu'il y aura des désaccords. Les relations vont-elles s'améliorer avec des cicatrices et des rancœurs si profondes ? Rien n'est moins sûr. "
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