mercredi 29 janvier 2014

LES DANGEREUX FASCISTES DU JOUR DE LA COLÈRE AU TRIBUNAL

" Une petite brune s’avance dans le box des prévenus, s’assoit, regarde la salle, se met à pleurer puis se frotte les yeux. Sybille D., 18 ans, capuche en fourrure et ongles vernis, était jugée ce mardi au tribunal correctionnel de Paris pour « violences volontaires sur fonctionnaire de police ». Elle a été arrêtée à l’issue de la manif fourre-tout de ce dimanche, baptisée Jour de colère.

Pendant sa garde à vue, Sybille a admis avoir jeté une cannette de bière vide, « bue par un de ses amis », en direction des forces de l’ordre, sans les atteindre. La lycéenne ne reconnaît pas les faits devant la présidente :

« On m’a dit que je serai libérée si j’avoue. »

Dans la salle, il y a ses parents qui habitent près du Mans (Sarthe) : elle est mère au foyer, lui est militaire retraité. Sybille D. est la quatrième d’une fratrie de sept enfants. Famille catholique. « On ne lâchera rien. On n’est pas des extrémistes », dit la mère aux journalistes.

« Voici la terreur de la place Vauban », ironise son avocat pendant l’audience.

« Une crevette qui terrorise la police. »

La procureure a requis un mois de prison avec sursis. Mais la procédure a été annulée pour vice de forme.

Assise sur le banc, elle tripote sa croix dorée

Dimanche, la manifestation a rassemblé quelques milliers de personnes dans la capitale, de la place de la Bastille à la place Vauban : des familles, des cathos intégristes, des identitaires ou des partisans de Dieudonné... 250 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue après les incidents survenus lors de la dispersion du rassemblement. La plupart ont été libérées lundi. Dix-neuf policiers ont été blessés.

Sybille D., qui dit n’appartenir à « aucun groupe particulier », fait partie des huit personnes – dont deux mineurs – déférées devant la justice. Les quatre jeunes qui comparaissaient mardi, comme Sybille, dans cette section du tribunal correctionnel de Paris, sont inconnus des services de police et de justice. Les faits reprochés ne sont pas bien lourds.

Dans la salle d’audience, une proche d’un prévenu, cheveux relevés et perles aux oreilles, tient une image du christ contre un petit carnet. Une jeune fille, assise sur un autre banc, tripote la croix dorée qu’elle porte autour du cou.

Il y a aussi Hélène, une femme qui se présente comme « l’une des déclarantes anonymes » du collectif Jour de colère et qui couvre des feuilles blanches dans la salle. Enseignante au chômage, elle n’avait jamais organisé de manif auparavant.

Louis-Marie M., 18 ans : « J’ai trébuché »

C’est au tour d’Aymeric B., 20 ans, Louis-Marie M. et Loïc R., tous deux 18 ans, de s’avancer dans le box des prévenus pour avoir jeté, à la dispersion de la manif, une barrière de chantier contre un cordon de gendarmes mobiles, sans les atteindre. A nouveau, le profil de fils de bonne famille, sans histoires.

« Je ne me contrôlais plus trop », a dit Aymeric B., qui reconnaît le jet de barrière, « en colère contre les forces de l’ordre ». Etudiant en BTS de transport et logistique, il a déjà manifesté plusieurs fois, notamment contre le mariage gay. « Dangereux ? » Son avocat lève la voix :

« En le regardant, je vois plutôt un Gavroche avec sa mèche rebelle. »

Louis-Marie M., cinq frères et sœurs, un père cadre et une mère au foyer, est étudiant en licence de médecine. Il admet lui aussi avoir jeté une barrière, mais sans l’intention de le faire :

« J’ai trébuché, j’ai été entraîné en avant et ça a entraîné la barrière. »

La procureure lui fait remarquer que pendant ses auditions, il a dit avoir trébuché au moment de jeter les grilles. L’avocat de Louis-Marie M. a plaidé la relaxe : « Il n’y a pas d’éléments à charge contre mon client. »

« Ses parents étaient catastrophés »

Pour sa première manif, Loïc R., en bac pro mécanique auto, était « en colère » aussi. Il reconnaît avoir soulevé deux barrières pour construire un barrage de protection. Il avait aussi sept pétards dans son sac, « pour faire du bruit ». « J’ai été appelé par la maman de monsieur R. », déclare son avocat. « Ses parents étaient catastrophés. »

« Je me demande s’il n’y a pas un peu de politique derrière ces interpellations », ajoute-t-il. Plus tôt dans l’après-midi, l’avocat de Sybille avait lui aussi pointé le nombre d’interpellations :

« Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a eu des excès. A force, on favorise les thèses complotistes. »

Dans son réquisitoire, la procureure, pour qui le jet de barrière aurait pu représenter « une vrai dangerosité », parle de trois jeunes « certainement immatures ». Elle requiert des peines de deux mois ferme.

Les trois ont reçu des peines de prison, mais assorties du sursis. "

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