jeudi 29 août 2013

REFORME DES RETRAITES : C'EST LOIN D'ETRE FINI

" Des syndicats au Medef, la réforme des retraites proposée par le gouvernement fait beaucoup de mécontents. François Hollande assure pourtant qu'elle "garantit l'avenir". Le premier ministre Jean-Marc Ayrault la présente comme "juste, équilibrée et structurelle". Elle met effectivement à contribution salariés, entreprises et même retraités, et devrait permettre de combler le déficit du régime général d'ici 2020. Est-ce enfin la réforme définitive des retraites que l'on attend depuis 20 ans? Lexpansion.com a demandé son avis à l'économiste Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques.

La réforme des retraites de Jean-Marc Ayrault règle-t-elle tous les problèmes?
Non, ce n'est pas le cas. Mais il faut reconnaître qu'elle devrait permettre au système des retraites de retrouver un équilibre financier à moyen terme, grâce à la hausse des cotisations et à l'allongement de leur durée. Ces deux mesures, qui étaient préconisées par le Conseil d'orientation des retraites et le rapport Moreau, étaient attendues et ne prêtent guère à controverse. Restait à savoir à quel rythme elles seraient proposées. Les choix qui ont été faits pour des augmentations modérées, dès 2014 pour le niveau et à partir de 2020 pour la durée, permettent de faire une réforme à petits pas, ce qui se comprend très bien d'un point de vue politique. Pourtant, il faudra sûrement refaire une réforme dans quelques années.

Pourquoi ne pourrait-ce pas être la dernière réforme des retraites?
Il n'y a qu'à voir le rythme auquel les réformes se succèdent: 1993 avec celle de Balladur, 2003 avec celle de Fillon, puis 2010 avec Woerth et maintenant 2013 avec Ayrault. Le financement de nos retraites dépend en dernier lieu de la croissance, et les prévisions sont toujours trop optimistes, alors que celle-ci fléchit et qu'elle est même devenue quasiment nulle. Le problème vient précisément de la réforme Balladur, qui a indexé les pensions sur les prix et non plus sur les salaires. Depuis, les prix montent, pas les salaires. Les pensions augmentent donc plus vite qu'eux en période de faible croissance. Alors que cette réforme devait faire baisser les taux de remplacement, ils sont restés stables, rendant les déficits inévitables. C'est pour cela que le rapport Moreau proposait de sous-indexer les pensions par rapport à l'inflation.
Il faudrait au moins 1,5% de croissance pour rendre le système viable. Une hypothèse bien optimiste. Il y a donc fort à parier que dans quelques années les déficits soient plus importants que prévus, et qu'il faudra à nouveau faire bouger les paramètres.

Que peut-on faire pour rendre le système plus stable?
Pour faire face au choc démographique et financier que représente l'arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, il faudra probablement en passer par une désindexation des pensions par rapport à l'inflation. Et il faudra aussi allonger encore la durée de cotisation, voire reculer l'âge légal de la retraite en tenant compte de l'espérance de vie. Après 2030, par contre, il y aura moins de retraités, et le niveau de leurs pensions devrait baisser par rapport au salaire des actifs, car nous serons, normalement, sortis de la crise.
En attendant, il serait vraiment important de rendre notre système plus lisible en limitant les incohérences entre les différents régimes. La piste d'un compte retraite unique pour chaque Français, évoquée par le gouvernement, est vraiment intéressante, car elle ouvre le chemin vers un régime universel des retraites.

Cette réforme vous déçoit-elle?
Le plus décevant de cette réforme, en fait, ce ne sont pas les mesures prises en elles-mêmes, car elles ne sont pas mauvaises. Ce serait qu'on s'arrête là. " "

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