" Manif pour tous dans moins de 72 heures et le parcours parisien n’est toujours pas fixé. L’organisation s’est vu refuser par cinq fois ses propositions par une préfecture de police qui n’en démord pas : la manifestation devra se terminer aux Invalides, un point c’est tout. Pour les spécialistes, l’explication est simple : c’est un piège, comme l’ont vu les manifestants de Jour de colère dimanche dernier, faits comme des rats, toutes les issues ayant été bloquées moins de dix minutes après la dissolution officielle.
On lit dans la presse que l’objectif serait de « réaliser un maximum d’interpellations ». En effet, nous explique-t-on sérieusement, « mis en difficulté sur ses résultats dans la lutte contre la délinquance, Manuel Valls a à cœur de démontrer qu’il sait maintenir l’ordre lors des mouvements de rue ». Autrement dit, pour se faire pardonner ces 13.000 vols, 2.000 agressions, 200 viols quotidiens contre lesquels il est impuissant, ces banlieues où les flics ne peuvent plus aller, il va aller faire un peu de bilan chez les braves gens. Comme ces contrôleurs de train de banlieue qui verbalisent avec des airs graves la petite dame dont la carte de réduction famille nombreuse est périmée depuis un mois, en évitant les échalas à capuche qui prennent le tourniquet d’entrée pour un cheval d’arçon. Il est des métiers où l’on doit mettre au point des stratégies pour survivre.
Mais il va falloir quand même ramer pour remplir le tableau de chasse : car si l’on part du postulat que Jour de colère a drainé les radicaux des opposants au mariage gay, la France des salauds, selon le journaliste Frédéric Haziza, « une nébuleuse de la haine […], des antisémites, des intégristes, des négationnistes, des fanatiques, des anti-IVG, des racistes, des homophobes, l’ultra-droite, des adeptes de la quenelle, des esprits buissonisés », comme l’a délicatement dit à l’Assemblée nationale le député Matthias Fekl, la moisson, après 260 interpellations, est assez maigre : un Aymeric, un Barthélémy, un Loïc et un Louis-Marie (étudiant en 2e année de médecine à 18 ans, on sent la racaille, hein ?) condamnés à deux mois de sursis pour avoir, « sans les atteindre », projeté une barrière de chantier en direction d’un cordon de gendarmes mobiles ; un Hugues condamné à la même sanction pour avoir lancé des pétards vers les forces de l’ordre. Une Sybille de terminale ES soupçonnée d’avoir jeté une cannette vers les gendarmes dont la procédure a été finalement annulée. Même en étant très, très craintif, on a quand même du mal à se faire peur avec ça.
Si, donc, dimanche, défile cette fois la frange modérée, qui donc va-t-on trouver à faire passer devant le juge ? Un élève de CE2, pour avoir jeté son papier de Malabar vers un CRS ?
Mais ce qui compte, bien sûr, n’est pas le résultat, c’est l’effet d’annonce. L’effet d’annonce à chaud. La masse d’interpellations en vrac dont on pourra livrer le chiffre à l’AFP assorti d’assertions invérifiables, et que — l’AFP étant parole d’évangile — toute la presse reprendra. Mais où se cache donc ce policier grièvement blessé dont lefigaro.fr parlait dimanche soir, avant de préciser deux jours plus tard qu’aucun des dix-neuf policiers blessés n’avait été hospitalisé ? C’est grave, ça ! Ils l’ont donc laissé crever sur le trottoir, ce pauvre garçon ? Ou bien il n’a jamais existé ? Et d’ailleurs, ces policiers blessés mais non hospitalisés, de quoi souffrent-ils, au juste ?
Alors les organisateurs de La Manif pour tous tentent de prévenir. Des avocats clairement identifiables, des huissiers pour constater. Cela suffira-t-il ? Pas certain. Car la seule parade que Valls ait trouvée pour dissimuler le nombre des manifestants est de mettre en avant celui des interpellés. "
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