" La droite, la gauche… Deux sensibilités, deux partis, deux France qui structurent notre histoire depuis près de deux cents ans et dont l’alternance au pouvoir est comme la pulsation de notre vie politique. Même si la tonalité en est pacifique, même si elle se situe sur un plan avant tout moral, même s’il s’agit moins de chercher de nouveaux poux à Hollande que de défendre une conception traditionnelle de la famille, même si les réponses que donne la société à des questions de conscience ne recoupent pas exactement la frontière entre les deux camps, il n’est pas douteux que les organisateurs, les participants et les slogans de la Manif pour tous se situent plutôt à droite, et que voir la droite descendre dans la rue – ce qui lui est moins habituel et moins familier qu’à la gauche – éveille l’étonnement, l’agacement et finalement l’inquiétude de celle-ci.
De là à susciter le déferlement d’analyses alarmistes, de titres provocateurs, de propos outranciers et de mises en garde solennelles que l’on pouvait relever hier matin, avant même que le premier manifestant se soit manifesté entre l’École militaire et la place Denfert-Rochereau, il y a un pas qu’ont franchi gouvernement et médias avec une allégresse et un ensemble qui donnaient l’impression très nette d’une manœuvre concertée.
Chargé du maintien de l’ordre public et de la paix sociale, ce dont ses comportements récents permettent de douter, le ministre de l’Intérieur (et des Cultes) s’est exprimé dans l’interview qu’il a accordée au Journal du Dimanche dans des termes que n’aurait pas désavoués, ces derniers jours, son homologue ukrainien. Au trébuchet de quelle balance, et avec quelles arrière-pensées M. Manuel Valls a-t-il pesé des mots qui ne sont pas dignes de ses responsabilités ? À en croire le lointain successeur de Georges Clemenceau, « la République reste fragile… Des forces sombres se sont mises à prospérer… Le point commun avec les années trente, c’est cet antirépublicanisme et la détestation violente dans les mots comme dans les actes de nos valeurs et de nos principes. Derrière tout cela, c’est la France qui est visée dans son idéal… Nous assistons à une union des extrêmes. C’est du jamais vu en France (sic)… J’appelle tous les républicains à réagir… La démonstration est faite une bonne fois pour toutes que le FN (qui ne s’est guère associé à la Manif pour tous et moins encore à Jour de colère, NDLR) est une formation d’extrême droite qui n’est pas sortie d’une idéologie nauséabonde… »
Le Monde daté dimanche-lundi faisait chorus en titrant sur cinq colonnes à la une sur « Le réveil de la France réactionnaire ». Le Parisien-Dimanche, pas en reste, faisait sa manchette sur « La France crispée » et évoquait l’émeute factieuse du 6 février 1934. France Inter, sans surprise, confirmait une fois de plus que, pour être radio de service public, on n’en est pas moins radio de parti pris, et donnait la parole à une historienne selon qui les manifestations « de droite » véhiculent la haine et l’appel au meurtre, comme chacun a pu le constater le 30 mai 1968, le 24 juin 1984 ou le 24 mai 2013. « Un papa, une maman » et les petits drapeaux bleus et roses rappellent à cette dame les défilés des Ligues et les parades de Nuremberg.
Bref, d’un côté, on l’a compris, il y a les forces du Bien, du Progrès, des Lumières, le camp des Petits saints. De l’autre, la Bêtise au front de taureau, la Réaction, le Mal et, bien sûr – coucou la revoilà –, la Bête immonde.
À quelles lois scélérates, à quelle répression policière et judiciaire veut-on nous préparer ? Et si ce n’est pas le cas, n’y aurait-il pas là au moins quelque excès ? "
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