" Il était 2 heures du matin. Deux hommes ont agressé Edith*, un travesti qui déambulait boulevard de Clichy. Ils lui ont arraché le sac qu'il portait, comme certaines stars, au creux du coude. Par chance, la clameur publique est entrée en action et a pourchassé le voleur, rattrapé et interpellé quelques minutes plus tard. Il était en état d'ébriété.
- J'avais bu deux Heineken, reconnaît le prévenu, un SDF ivoirien qui possédait 8 barrettes de cannabis, soit en tout 7,3 grammes.
- La police vous a vu en train d'arracher le sac sur le bras de la victime, note le président.
- Non, c'est mon ami qui l'a volé et qui me l'a passé...
- Pourquoi alors avoir accepté de le faire ?
- Parce que je le connaissais, répond naïvement l'homme en s'essuyant le front.
Ce "réfugié politique" indique avoir été scolarisé jusqu'à l'âge de 8 ans. N'ayant ni famille ni ami, il dit dormir dans le métro et travailler dans le bâtiment de façon non déclarée. Il gagne, assure-t-il, 50 euros pas jour ( soit 1500 euros par mois, c'est à souligner et net d'impôts SVP )), ce qui lui permet d'acheter du cannabis pour sa "consommation personnelle". Prenant acte de l'absence d'antécédents judiciaires, le procureur requiert à son encontre cinq mois de prison avec sursis.
"Il n'avait qu'un seul ami et celui-ci a eu une mauvaise emprise sur lui, justifie l'avocat de la défense. Le sac a été restitué et sa situation sur le territoire français est en cours de régularisation (...). Un TIG me semble être une peine adaptée..." souffle-t-il au tribunal.
Et son client d'exprimer ses regrets : "C'est la première fois de ma vie que je vole... je suis désolé de ce que j'ai fait..." s'excuse l'homme avant que le tribunal ne lève la séance pour aller délibérer. Il sera condamné à trois mois avec sursis. "Vous n'effectuerez pas cette peine si vous n'êtes pas condamné dans les cinq ans. Ceci est un avertissement solennel", sermonne le président.
"Un parcours judiciaire marqué par la violence"
Les deux jeunes hommes jugés dans l'affaire suivante, vêtus du même tee-shirt comme deux frères jumeaux, se renvoient la balle de la culpabilité. Le premier, poursuivi pour avoir volé deux téléphones portables, justifie son acte par l'urgence à rembourser sa dette de 50 euros au second, poursuivi pour recel desdits téléphones.
Mais ce dernier assure qu'il n'a jamais fait pression sur le premier pour l'inciter à voler : "Je lui ai dit : Si tu dois faire la manche je m'en fous. De toute façon, je n'ai pas que ça à faire, je suis déjà bien connu des services de police..." déclare sans vergogne ce récidiviste assumé de 19 ans qui collectionne cinq mentions sur son casier judiciaire. Mais il se veut tout aussi maladroitement rassurant : "Je me suis calmé depuis mes 18 ans : je n'ai fait que trois gardes à vue." Ce jeune père vit chez sa mère et est pris en charge par l'ASE qui lui verse environ 400 euros par mois. L'autre prévenu vit de mendicité et loge dans un squat. Il n'a aucune mention sur son casier judiciaire.
"Monsieur S récupère le produit de l'infraction comme si c'était normal", relève le procureur, qui déplore par ailleurs un "parcours judiciaire marqué par la violence". N'étant plus accessible au sursis simple, le représentant du parquet demande quatre mois de prison, dont deux assortis d'un SME pendant vingt-quatre mois, avec maintien en détention. Une peine de quatre mois avec sursis est requise pour le voleur.
L'avocate pointe la "maladresse" du discours de ses clients, trahissant leur grande "fragilité". D. est orphelin, SDF, errant, et primo délinquant. Quant à S., malgré son lourd fardeau familial, il témoigne de sa volonté de se soigner en consultant un psychologue. Il envisage d'aller travailler dans un zoo dans le sud de la France, affirme-t-elle.
Le voleur sera condamné à un travail d'intérêt général d'une durée de 105 heures à exécuter pendant 18 mois, et le receleur écopera de 60 jours amende** à 3 euros et 50 euros de dommages et intérêts.
* le prénom a été modifié
** Le condamné devra payer 3,50 euros par jour pendant 60 jours "
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