" Couteau entre les dents, faucille au poing et marteau en tête, il fut une époque, pas si lointaine, où le Parti communiste français, succursale parmi d’autres de la grande Union soviétique, ne vivait et n’agissait que dans la préparation et l’attente du « Grand Soir ». L’avenir était rouge et les militants du parti, moines-soldats de la Révolution, n’avaient pas de mots assez durs pour dénoncer le réformisme mou, les compromissions, les abandons de leurs plus proches adversaires, ces sociaux-démocrates qu’ils préféraient stigmatiser du doux nom de « social-traîtres ».
Que les temps ont changé ! Il existe toujours, sous un nom immuable, un parti constitué d’une part de quelques milliers de militants qui, les yeux grand fermés sur la réalité, veulent encore y croire, et dont la foi inébranlable – aussi respectable qu’absurde – s’enracine dans la fidélité à une idéologie souillée par sa propre histoire, et d’autre part quelques milliers d’élus nationaux et locaux pour qui le plus important et le plus urgent est de conserver les quelques positions, les quelques mandats parlementaires et municipaux dont leur organisation et eux-mêmes tirent leurs moyens d’existence.
Réduit à n’être plus que l’une des deux principales composantes du Front de gauche, le Parti communiste y est associé avec le Parti de gauche qui condamne jour après jour, par la voix éloquente et gouailleuse de son orateur tribunitien, la dérive du capitaine de pédalo, son apostasie libérale et la trahison des « social-traîtres » d’aujourd’hui. Jean-Luc Mélenchon est ce qu’il est. Au moins ne contestera-t-on pas qu’il y a une cohérence entre son discours, ses idées et sa conduite.
C’est sur cette base qu’aux municipales de mars le Parti de gauche fait, dans la moitié des villes de plus de 20 000 habitants, liste commune avec le Parti communiste sous l’étiquette du Front de gauche et ne ménage pas ses critiques aux « social-traîtres ». Oui, mais dans l’autre moitié des villes de plus
de 20 000 habitants, le Parti communiste, comme depuis des décennies les radicaux de gauche et comme depuis quelques années les Verts, accepte de passer sous les fourches caudines des grands frères socialistes et de trahir ses idéaux pour quelques lentilles de plus.
Comment un parti qui se prétend encore le défenseur de la classe ouvrière (de ce qu’il en reste), de la petite paysannerie (de ce qu’il en reste) et des couches sociales les plus défavorisées (sans cesse plus nombreuses, elles) peut-il s’acoquiner avec une majorité hégémonique qui vient de se pacser officiellement avec l’idéologie libérale ? Cette schizophrénie reflète le désarroi d’un parti moribond, écartelé entre la préservation de ses intérêts, de ses acquis, de ses prébendes et la fidélité à ses origines et à ce qui fut sa raison d’être. On comprend que Mélenchon et les siens stigmatisent à leur tour le comportement des « coco-traîtres ». "
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