" L’Express vient de confirmer ce que Le Point annonçait en juillet dernier : l’énarque Philippe Martel, ancien chef de cabinet d’Alain Juppé au Quai d’Orsay, de juin 1993 à novembre 1994, serait bien le nouveau chef de cabinet de Marine Le Pen.
La nouvelle a de quoi surprendre. Parce qu’il est énarque, soulignent les médias, faisant montre là d’une certaine méconnaissance du Front national. Sans doute le FN a-t-il souvent dénoncé « l’énarchie », et ses bataillons dédaigneux de technocrates à col blanc dont la célèbre « promotion Voltaire » est emblématique. Mais cette posture procédait sans doute plus d’une complexe attraction-répulsion que d’une réelle aversion. La vérité est qu’il y a eu au Front national ou à proximité, bien avant le médiatique Florian Philippot, un certain nombre d’énarques, comme Jean-Yves Le Gallou, dont on dit que la force d’analyse et les méthodes de travail ont cruellement fait défaut au parti après la « fuite des cerveaux » de 1998.
La vérité est que bien d’autres se rapprochent aujourd’hui, plus ou moins publiquement, comme Paul-Marie Coûteaux, qui a du reste fait l’entremetteur entre Marine Le Pen et Philippe Martel. La vérité est que le FN voit sans doute dans ces nouveaux mandarins, et dans le statut qui est le leur dans l’inconscient collectif, le meilleur antidote pour contrecarrer les clichés qu’il véhicule : car un énarque simpliste, un énarque populiste, c’est évidemment un oxymore.
La véritable surprise est ailleurs : dans le parcours de Philippe Martel, dont rien ne laissait prédire qu’il croiserait un jour le chemin de Marine Le Pen. Dont tout laissait même supposer le contraire. Philippe Martel, si apprécié de Jacques Chirac. Philippe Martel, si dévoué à Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous », ou plutôt « le pire d’entre eux », vu de la rive du Front national. Philippe Martel qui – il bat à présent sa coulpe – a voté « oui » au traité de Maastricht. Philippe Martel qui, pour un militant du FN, a en somme toujours été du côté obscur de la force, celui de l’UMPS pour reprendre l’expression chère à Marine Le Pen.
Philippe Martel ouvre sans doute là une porte qu’il va tenir à d’autres : le vent de l’Histoire, si l’on en croit les sondages, souffle dans les voiles du FN. Entre conviction et opportunisme, ils seront sans doute nombreux ces prochains mois à venir frapper à la porte du FN, apportant dans leur baluchon leur réseau, leur professionnalisme et leur aura. Mais ce que le FN gagnera en respectabilité, ne le perdra-t-il pas aux yeux de ses électeurs, en recette originale ? Et comment gérer le « pousse-toi-de-là -qu’il-s’y-mette » auprès des humbles grognards du parti, dont la fidélité, parfois peut-être, tient lieu de seul talent, mais qui, durant la traversée du désert, bouffaient de la vache enragée en collant des affiches quand les divas qui volent à présent au secours de la victoire profitaient déjà sans vergogne des ors de la République. Ce sera, pour le Front national, tout l’enjeu des prochains mois. "
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