" La comparution de sans-papiers dans des salles d'audiences judiciaires spécialement aménagées près de l'aéroport de Roissy pourrait porter atteinte aux droits de la défense, s'est inquiété le Conseil de l'Europe, jeudi 17 octobre.
Dans une lettre adressée à la ministre de la justice, Christiane Taubira, et rendue publique jeudi à Strasbourg, le commissaire aux droits de l'homme de l'organisation paneuropéenne, Nils Muiznieks, estime que ces audiences controversées "risquent de porter atteinte à l'indépendance et à l'impartialité du tribunal concerné, à tout le moins aux yeux" des migrants.
Ces comparutions, organisées "dans des conditions peu respectueuses de la dignité des personnes" à proximité immédiate du plus grand centre de rétention de France, "risquent d'accréditer l'idée que les étrangers ne sont pas des justiciables comme les autres", note M. Muiznieks. "La localisation de ces salles d'audience et la difficulté d'y accéder, notamment en transports en commun, risquent de compliquer l'exercice des droits de la défense et de faire obstacle à la publicité des débats", s'inquiète le commissaire aux droits de l'homme. Il conclut sa lettre en demandant à Mme Taubira de l'"informer des mesures" qu'elle entend "mettre en place afin de garantir le respect des droits" des migrants.
DES ASSOCIATIONS DÉNONCENT UNE "JUSTICE D'EXCEPTION"
L'instauration depuis lundi de cette annexe judiciaire sur le site du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, à deux pas de l'aéroport de Roissy, d'où les sans-papiers pourront être expulsés, est très contestée. Voisine du plus grand CRA de France, l'annexe est censée éviter à la police aux frontières (PAF) et aux migrants de fastidieux transferts jusqu'au tribunal de grande instance de Meaux, à 30 km de là. Ils y patientaient parfois la journée, à une vingtaine dans une pièce, avant de voir le juge des libertés et de la détention (JLD). Deux JLD sont désormais détachés au Mesnil-Amelot, où ils doivent statuer sur le cas d'environ 3 000 étrangers par an jugés pour délit de séjour irrégulier, et donc menacés d'expulsion.
Des associations comme la Cimade, la Ligue des droits de l'homme, les syndicats de magistrats ou le Conseil national des barreaux dénoncent une "justice d'exception" et contestent la légalité du tribunal. Selon eux, l'indépendance de la justice est menacée en siégeant si près de la police, dans la même enceinte qu'un cantonnement de CRS. "
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